La Montagne Protestante

Pratiques chrétiennes sociales dans la région du Mazet-Saint-Voy (1920-1940)

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Présentation

  Ce livre (200 pages 15 cm x 23 cm. 25 €) fut édité en 2005 aux Editions Olivétan, Lyon.

  En vente directement chez l'auteur par courriél à c.maillebouis@laposte.net ou par téléphone au 04 71 65 04 69. (Livraison gratuite pour les habitants du Plateau, sinon ajoutez 3 € de frais de port).

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Avec le soutien du :
Centre national du Livre
  Fondation pour la Mémoire de la Shoah
  Direction régionale des Affaires culturelles d'Auvergne
  Conseil général de Haute-Loire
  SIVOM Vivarais-Lignon

 

Introduction générale

"Le livre de C. Maillebouis (...) apporte beaucoup à l'histoire du protestantisme français au XXe siècle. (...) Il me paraît appelé à devenir un ouvrage de référence dont on peut souhaiter qu'il soit imité pour d'autres régions ou d'autres époques de ce protestantisme."
Extrait de la préface de Patrick Cabanel, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Toulouse-Le Mirail, membre de l'Institut Universitaire de France.

  Dans l’entre deux guerres, deux types de message traversaient les paroisses de la Montagne protestante, autour du Mazet- Saint-Voy (Haute-Loire).
  L’un que nous qualifierons d’ «évangélique» du fait de sa filiation directe avec le mouvement des Réveils du XIXe siècle. Des pasteurs comme, par exemple, J. Perret et son père P. Perret, ou M. Jeannet, représentèrent cette mouvance dans les Eglises réformées du Plateau. Cette position les amena à une prise en considération des conditions de vie de leurs fidèles, sur certains aspects sociaux (l’alcool, la maladie, la jeunesse, la vieillesse, etc.) suivant leur sensibilité ou la réalité de leur paroisse. Mais cet engagement pastoral ne franchissait guère le seuil de la revendication politique ouverte et restait essentiellement ancré dans le quotidien paysan.
  Le second discours était plus militant, engagé politiquement, et ses conséquences débordaient fréquem- ment le cadre local. Nous l’intitulerons «libéral» au sens employé dans les milieux réformés de l’époque, car il était intégré au vaste débat porté par le mouvement du Christianisme social. Et comme souvent dans ce milieu, avec une frontière fluctuante, pour chacun, entre la part du religieux et celle du politique, toujours difficile à cerner à plus de soixante-dix ans de distance...

  Au début du siècle dernier, des personnalités nationalement connues du Christianisme social se retrouvent au Mazet-Saint-Voy (L. Comte, E. Gounelle, Ch. Gide). Là, ils rencontrent un écho attentif au sein des diverses communautés protestantes. Cette convergence entre discours théoriques et solidarité campagnarde tradition- nelle, voire communautariste, connaît un réel succès.
   Entre les deux guerres, une seconde génération de chrétiens sociaux, remarquables par leur charisme (les familles Guillon, de Félice, Trocmé, Theis) sont attirés par ces paroisses socialement si engagées.

  Pendant le second conflit mondial, la réputation du Plateau est déjà connue et attire d'autres intellectuels (A. Camus, P. Ricoeur, A. Philip) et de nombreux bannis de la société.

C. Maillebouis

 

Epilogue

  Le 8 juillet 2004, le président de la République, J. Chirac, se déplace au Chambon-sur-Lignon et y tient un discours dans la cour de l’école, en face du temple, laïcité oblige. Le village est anormalement animé, les uniformes de tous grades et les officiels sont là. Au détour d’un regard, on discerne quelques visages célèbres dont celui de S. Veil venue en tant que présidente de la “Fondation pour la Mémoire de la Shoah”. Cette journée a été longuement commentée dans la presse nationale offrant à la Montagne protestante une forte reconnaissance.
  Outre le cérémonial qui convient à ce type de réception, cette agitation médiatique a marqué les esprits localement, mais aussi bien au-delà du Lignon. Dans un contexte particulier où des actes “antisémites” faisaient l’actualité nationale, ce discours dans un tel village s’auréolait d’une sacralité de circonstance. Aujourd’hui, il est encore évoqué sous le titre grammaticalement erroné de : “discours de (sic) Chambon” montrant finalement combien Le Chambon-sur-Lignon est mal connu dans les salles de rédaction parisienne.
   Si ce moment solennel a eu le mérite de focaliser l’actualité nationale sur l’histoire de cette région pendant la Deuxième guerre mondiale et sa participation à la protection de certains fugitifs, il demeure que cette approche fut superficielle. Les articles publiés à l’époque montrent à l’évidence une conformité rédactionnelle sans grandes investigations. La litanie des faits se concentre toujours sur les quelques noms propres les plus connus et de légendaires explications camisardes… Pourquoi pas ? L’actuelle société, surfant au gré des vents médiatiques, impose ce type de compte-rendu consensuel. Espérons que les thèmes abordés dans ce livre ouvriront de nouveaux espaces féconds.
  Ce déplacement présidentiel mettait en quelque sorte un point final, pour l’instant du moins, aux “Journées Mémoires du Plateau” du 11 au 13 juin 2004, co-organisées par la mairie du Chambon-sur-Lignon et la fondation américaine “Chambon”. Temps forts qui permirent d’écouter les témoignages toujours émouvants des anciens réfugiés juifs. Déjà, les 5 et 6 juillet 2002, un colloque d’audience nationale, intitulé : “La Deuxième Guerre mondiale, des terres de refuge aux musées”, co-organisées par la “Société d’Histoire de la Montagne” et le SIVOM Vivarais-Lignon, avait poursuivi la réflexion ouverte originellement par un tout premier colloque intitulé “Le plateau Vivarais-Lignon. Accueil et Résistance 1939-1944” tenu du 12 au 14 octobre 1990. Cette accélération des manifestations qui mobilisent toujours plusieurs centaines de participants est pour le moins significative.
  A différents niveaux, toutes ont leur intérêt et s’affermissent mutuellement. De la confrontation des différentes populations, locales plutôt protestantes et internationales plutôt juives, à la cristallisation d’une mémoire collective méritoire, les avantages sont multiples. Ne serait-ce que pour bâtir une politique plus humaniste, fraternelle et solidaire que chacun espère à juste titre ? Ne serait-ce qu’en renforçant le développement local autour d’une assise culturelle peu commune ? Ne serait-ce enfin, même si cela est plus prosaïque, en animant notre quotidien paysan d’ici par des conversations plus stimulantes que les aléas climatiques ? Et que l’on ne doute pas de l’importance sociale de ce dernier point. Pour y être immergé en tant qu’observateur patenté, je puis affirmer que les émotions qui naissent au détour de ces multiples initiatives, face aux thèses tenues par les orateurs invités ou aux commentaires de leurs auditeurs, des retrouvailles d’amis après tant d’années, etc., que ces émois façonnent profondément les horizons spirituels.
  Tout comme, par exemple, le congrès national du Christianisme social a pu marquer durablement les esprits des montagnards en 1933. Les distractions étaient rares et un tel événement engendra sûrement de nombreuses conversations structurantes pour cette société. Et que dire des autres manifestations paroissiales où le syncrétisme et le nombre des participants pouvaient conforter les messages chrétiens-sociaux délivrés. Surtout si ces discours étaient portés par des personnes respectées pour leur fonction “pastorale” (pasteurs, prédicateurs, anciens, etc.) encore dominante dans cette société rurale d’avant-guerre.
  La situation géographique de ce territoire de confins, en moyenne montagne, sans grand enjeu économique ou politique, et la reconnaissance du culte réformé portée par la Révolution française ont profondément modifié les rapports sociaux de cette

zone protestante et ont fait émerger un phénomène social assez original. Le besoin fondateur de protection de toute société diminua ici, au point où les conditions géo-climatique du pays, avec son habitat extrêmement dispersé et isolé, à l’accès difficile, suffirent à les assumer naturellement. Par ailleurs, dans ces écarts, la lecture de la Bible et des brochures religieuses donna naissance à une caste savante qui gonfla paradoxalement sous l’influence répétée des thèses revivalistes protestantes, tout en se rapprochant socialement de la classe productive paysanne.
  Dans ce schéma anthropologique particulier, la transmission des prescriptions s’orchestrait de deux manières qui se sont consolidées en totale synergie. La première suit un schéma hiérarchique classique, celui d’une autorité morale respectée, souvent le pasteur en place ou ses invités prestigieux, vers son auditoire. La seconde joue sur un mode plus participatif, d’essence darbyste. Les échanges se font d’égal à égal au détour des réunions cultuelles, familiales ou de voisinage voire sur les places de marché. Cette dernière approche n’est pas à négliger dans une région où ces communautés fraternelles sont numériquement si importantes et façonnent encore la société moderne. Le pasteur A. Trocmé mentionnait d’ailleurs dans ses souvenirs que “les premiers paysans qui acceptèrent d’accueillir des juifs furent... des Darbystes qui n’appartenaient pas à notre association culturelle, et que leur doctrine écarte de tout engagement politique. Nos conseillers les suivirent, d’abord en hésitant, puis graduellement convaincus.” (A. Trocmé, Souvenirs, Swarthmore, USA, tapuscrit p. 349)
  Ici, peu importe l’exactitude même de ces propos. Nous ne les évoquons que pour ouvrir un contre-feu de réflexion “médiologique”. Comment une pensée se propage-t-elle dans une société rurale, éclatée en de nombreuses communautés chrétiennes, et avec quelles techniques de communication ? La médiologie initiée par Régis Debray analyse ces mystères et paradoxes de la transmission culturelle, rôle essentiel à la compréhension d’une société. Déjà, les modes d’établissement des différents Réveils évangéliques dans ce pays, principalement au xixe siècle, sont un champ immense à peine effleuré. Espérons que l’ancrage au siècle suivant de certaines positions chrétiennes sociales sur la Montagne protestante trouvera son approfondissement. Comment donc, des idées a-normales pour l’époque (pacifisme, coopératisme, internationalisme, “solidarisme”, etc.) arrivent ici, puis mûrissent au point que des réalisations concrètes en découlent, perdurent encore, et deviennent des références présidentielles ?
  Certains marxistes n’y verront qu’une dimension marchande, certes réelle comme dans toutes les relations humaines, mais sûrement pas unique. à l’opposé, les croyants accorderont une place primordiale à la qualité spirituelle de cette population montagnarde. Pour ma part, je me contente de relever la situation environnementale de ce pays et ses influences naturelles sur les comportements de ses habitants et leur univers conceptuel. Ainsi, entre autres, un pays qui est relié par un service de cars, puis par un chemin de fer, à Saint-Étienne, développe naturellement avec cette ville une économie et des liens particuliers. à une époque médiatiquement plus pauvre, ces moyens réguliers de transports déplaçaient hommes et marchandises mais aussi, par eux, les rares pensées exogènes et vivantes, rapidement assimilables pour peu que certaines autorités spirituelles les aient repris à leur compte. Alors saisit-on mieux la diffusion des pensées d’un L. Comte, puis de É. Gounelle, et de leurs amis chrétiens-sociaux qui se focalisent à Saint-Étienne, sur une autre région proche socialement, culturellement mais aussi en terme d’accès…
  A voir l’effervescence intellectuelle locale que suscite actuellement le moindre colloque au Chambon-sur-Lignon, on imagine ce qu’il en était avant 1940 où cette société paysanne était recluse, moins sollicitée par des messages parasitaires et donc à l’écoute de ses propres sentiments. Ne doutons pas qu’une certaine cohésion identitaire liée au terroir se nourrissait de tous ces soubresauts existentiels sous l’autorité pastorale ou au détour de quelques veillées… Sous l’écume des commémorations récentes, il existe probablement d’autres vérités socio-historiques plus satisfaisantes mais qui ne se révèleront que si elles sont recherchées sérieusement.

C. Maillebouis 2004


Une vingtaine des premières pages du livre avec la préface de P. Cabanel, des cartes, et quelques pages d'introduction. (1,2 Mo)

Une dizaine des dernières pages avec les index des noms cités, un extrait de bibliographie, la table des matières et le répertoire iconographique. (190 ko)

Dossier de presse avec la préface de P. Cabanel, articles de presse, des cartes, l'introduction, la conclusion, les index des noms cités, un extrait de bibliographie, la table des matières et le répertoire iconographique. (2,6 Mo)

Mes autres écrits sur l'histoire de la Montagne protestante (Haute-Loire)


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(Dernière mise à jour : juillet 2010)